Eclats de vers : Matemat : Essentialité
Table des matières
\( \newenvironment{Eqts} { \begin{equation*} \begin{gathered} } { \end{gathered} \end{equation*} } \newenvironment{Matrix} {\left[ \begin{array}} {\end{array} \right]} \)
\label{chap:essentialite}
1. Dépendances
- Chapitre \ref{chap:mesure} : Les mesures
2. Introduction
Soit la mesure \(\mu : \mathcal{T} \mapsto \setR\) et l'ensemble \(A \in \mathcal{T}\). On a envie de dire que tout sous-ensemble de mesure nulle de \(A\) est « négligeable ». L'essentiel de l'information demeurera donc si on s'abstrait d'un quelconque ensemble \(N \subseteq A\) vérifiant \(N \in \mathcal{T}\) et \(\mu(N) = 0\). Le résultat de cette abstraction, soit \(A \setminus N\), est appelé sous-ensemble essentiel de \(A\). On note :
\[\essentiel(A) = \{ A \setminus N : N \subseteq A, \ N \in \mathcal{T}, \ \mu(N) = 0 \}\]
l'ensemble des sous-ensembles essentiels de \(A\).
3. Ensembles de mesure nulle
3.1. Inclusion
Soit \(A,B \in \mathcal{T}\) avec \(A \subseteq B\) et \(\mu(B) = 0\). On a alors :
\[0 \le \mu(A) \le \mu(B) = 0\]
On en déduit que :
\[\mu(A) = 0\]
Un ensemble inclus dans un ensemble de mesure nulle est également de mesure nulle.
3.2. Union
Soit \(A,B \in \mathcal{T}\) avec \(\mu(A) = \mu(B) = 0\). On a alors :
\[0 \le \mu(A \cup B) \le \mu(A) + \mu(B) = 0 + 0 = 0\]
On en déduit que :
\[\mu(A \cup B) = 0\]
De même, la mesure d'une union d'une suite finie d'ensembles de mesure nulle est de mesure nulle :
\[\mu\left( \bigcup_{i = 1}^n A_i \right) = 0\]
On a le même résultat pour les suites infinies :
\[\mu\left( \bigcup_{i = 1}^{+\infty} A_i \right) = 0\]
4. Mesure d'un sous-ensemble essentiel
Soit \(E \in \essentiel(A)\). On peut alors trouver \(Z \in \mathcal{T}\) tel que \(Z \subseteq A\), \(E = A \setminus Z\) et vérifiant \(\mu(Z) = 0\). Comme les ensembles \(E\) et \(Z\) sont disjoints et d'union égale à \(A\), on a :
\[\mu(A) = \mu(E) + \mu(Z) = \mu(E) + 0 = \mu(E)\]
On a donc :
\[\mu(E) = \mu(A)\]
pour tout sous-ensemble essentiel \(E \in \essentiel(A)\).
5. Convergence de la mesure
Soit une suite d'ensembles \(\{ A_n \in \mathcal{T} : n \in \setN \}\) telle que \(A_m \subseteq A_n\) pour tout naturels \(m,n\) vérifiant \(m \le n\). Posons :
\[A = \bigcup_{n \in \setN} A_n \in \mathcal{T}\]
Considérons la suite d'ensemble \(\{D_n \subseteq A : n \in \setN \}\) définie par :
\begin{align} D_0 &= A_0 \) \( D_n &= A_n \setminus A_{n - 1} \end{align}pour tout \(n \ge 1\). Comme \(A_{n - 1}, D_n \subseteq A_n\), on a \(A_n = A_{n - 1} \cup D_n\). Nous allons montrer par récurrence que :
\[A_n = \bigcup_{k = 0}^n D_k\]
On sait que c'est vrai pour \(n = 0\). Supposons que ce soit vrai pour \(n - 1\). On a :
\[A_n = D_n \cup A_{n - 1} = D_n \cup \bigcup_{k = 0}^{n - 1} D_k = \bigcup_{k = 0}^n D_k\]
Si \(x\) appartient à au moins un des \(A_n\), il appartient à au moins un des \(D_k\) pour \(0 \le k \le n\), et inversément. On en déduit que :
\[A = \bigcup_{n \in \setN} A_n = \bigcup_{k \in \setN} D_k\]
Soit les naturels \(i,j\) avec \(i \ne j\). Soit \(m = \max \{ i, j \}\) et \(n = \min \{ i,j \}\). Si \(D_i = \emptyset\) ou si \(D_j = \emptyset\), on a forcément \(D_i \cap D_j = \emptyset\). Sinon, soit \(x \in D_m\). On a alors \(x \in A_m\) et \(x \notin A_{m - 1}\). Comme \(i \ne j\), on a \(m - 1 \ge n\) et \(A_n \subseteq A_{m - 1}\). On en déduit que :
\[x \notin A_n = \bigcup_{k = 0}^n D_k \subseteq A_{m - 1}\]
En particulier, \(x\) ne peut pas appartenir à \(D_n\). On en conclut que \(D_i \cap D_j = D_m \cap D_n = \emptyset\). Les propriétés de la mesure nous disent alors que :
\[\mu(A_n) = \sum_{k = 0}^n \mu(D_k)\]
et que :
\[\mu(A) = \sum_{n \in \setN} \mu(D_n)\]
Par définition de la somme infinie sur \(\setN\), on a :
\[\sum_{n \in \setN} \mu(D_n) = \lim_{n \to \infty} \sum_{k = 0}^n \mu(D_k)\]
et donc :
\[\lim_{n \to \infty} \mu(A_n) = \mu(A)\]
6. Convergence étendue
Soit une suite d'ensembles \(\{ A_n \in \mathcal{T} : n \in \setN \}\) telle que, pour tout \(n \in \setN\), on puisse trouver un sous-ensemble essentiel \(E_n \subseteq A_n\) vérifiant \(E_n \subseteq A_{n + 1}\). Posons :
\[A = \bigcup_{n \in \setN} A_n \in \mathcal{T}\]
Pour tout \(n \in \setN\), on peut donc trouver un \(Z_n \subseteq A_n\) vérifiant \(\mu(Z_n) = 0\) et \(E_n = A_n \setminus Z_n \subseteq A_{n + 1}\). Notons \(Z\) l'union de ces ensembles :
\[Z = \bigcup_{n \in \setN} Z_n\]
et analysons le comportement des \(C_n = A_n \setminus Z\). Notons \(C\) l'union de ces ensembles. On a :
\[C = \bigcup_{n \in \setN} C_n = \bigcup_{n \in \setN} A_n \setminus Z = A \setminus Z\]
Supposons que \(x \in C_n\). On a alors \(x \in A_n\) et \(x \notin Z_n\), d'où \(x \in A_{n + 1}\). Comme \(x \notin Z\), on a aussi \(x \in A_{n + 1} \setminus Z = C_{n + 1}\). On en conclut que \(C_n \subseteq C_{n + 1}\). La récurrence :
\[C_0 \subseteq C_1 \subseteq C_2 \subseteq C_3 \subseteq ...\]
nous montre alors que \(C_m \subseteq C_n\) pour tout \(m,n \in \setN\) vérifiant \(m \le n\). La mesure converge par conséquent vers la mesure de l'union :
\[\lim_{n \to \infty} \mu(C_n) = \mu(C) = \mu(A \setminus Z)\]
Mais comme \(C\) est un sous-ensemble essentiel de \(A\), on a \(\mu(C) = \mu(A)\). Pour la même raison, on a \(\mu(C_n) = \mu(A_n)\). On a donc finalement :
\[\lim_{n \to \infty} \mu(A_n) = \mu(A)\]
7. Ordre faible
7.1. Infériorité essentielle
Soit deux fonctions \(f,g : A \mapsto \setR\) telles que \(f - g\) soit mesurable. On dit que \(f\) est {\em essentiellement} inférieure à \(g\), et on le note :
\[f \essinferieur g\]
si on peut trouver un sous-ensemble essentiel \(S\) de \(A\) tel que \(f(x) \le g(x)\) en tout point \(x \in S\). On a donc :
\[\mu(\{ x \in A : f(x) \strictsuperieur g(x) \}) = 0\]
7.2. Supériorité essentielle
Soit deux fonctions \(f,g : A \mapsto \setR\) telles que \(f - g\) soit mesurable. On dit que \(f\) est {\em essentiellement} supérieure à \(g\), et on le note :
\[f \esssuperieur g\]
si on peut trouver un sous-ensemble essentiel \(S\) de \(A\) tel que \(f(x) \ge g(x)\) en tout point \(x \in S\). On a donc :
\[\mu(\{ x \in A : f(x) \strictinferieur g(x) \}) = 0\]
7.3. Validité
La définition de \(f \essinferieur g\) revient à imposer que :
\[\mu(\{ x \in A : f(x) - g(x) \strictsuperieur 0 \}) = 0\]
La définition de \(f \esssuperieur g\) revient à imposer que :
\[\mu(\{ x \in A : f(x) - g(x) \strictinferieur 0 \}) = 0\]
Comme \(f - g\) est mesurable, ces notions sont correctement définies.
8. Transitivité
Soit les fonctions \(f,g,h : A \mapsto \setR\) telles que :
\( f \essinferieur g \\ \)
\( g \essinferieur h \)
Si on pose :
\( Z = \{ x \in A : f(x) \strictsuperieur g(x)\} \)
\( N = \{ x \in A : g(x) \strictsuperieur h(x)\} \)
on a \(\mu(Z) = \mu(N) = 0\). Comme une union finie d'ensembles de mesure nulle est de mesure nulle, on a \(\mu(N \cup Z) = 0\). Pour tout \(A \setminus (N \cup Z)\), on a \(f(x) \le g(x)\) et \(g(x) \le h(x)\). On en déduit que \(f(x) \le h(x)\). Notre \(f\) est donc inférieure à \(h\) sur \(A\) sauf sur l'ensemble de mesure nulle \(N \cup Z\). On en conclut que la fonction étagée \(f\) est essentiellement inférieure à \(h\) :
\[f \essinferieur h\]
9. Conservation sous l'addition
Supposons que \(f \essinferieur g\) et que \(u \essinferieur v\). Les ensembles :
\( Z = \{ x \in A : f(x) \strictsuperieur g(x)\} \)
\( N = \{ x \in A : u(x) \strictsuperieur v(x)\} \)
sont de mesure nulle. Leur union est donc également de mesure nulle et on a bien entendu \(f(x) + u(x) \le g(x) + v(x)\) sur \(A \setminus (Z \cup N)\) c'est-à-dire sur une sous-ensemble essentiel de \(A\). On en conclut que :
\[f + u \essinferieur g + v\]
10. Conservation sous la soustraction
Supposons que \(f \essinferieur g\) et que \(u \esssuperieur v\). Les ensembles :
\( Z = \{ x \in A : f(x) \strictsuperieur g(x)\} \)
\( N = \{ x \in A : u(x) \strictinferieur v(x)\} \)
sont de mesure nulle. Leur union est donc également de mesure nulle et on a bien entendu \(f(x) - u(x) \le g(x) - v(x)\) sur \(A \setminus (Z \cup N)\) c'est-à-dire sur une sous-ensemble essentiel de \(A\). On en conclut que :
\[f - u \essinferieur g - v\]
11. Fonctions max et min
11.1. Max
Supposons que \(f,g \essinferieur h\). Les ensembles :
\( Z = \{ x \in A : f(x) \strictsuperieur h(x)\} \)
\( N = \{ x \in A : g(x) \strictsuperieur h(x)\} \)
sont de mesure nulle. Leur union est donc également de mesure nulle et on a bien entendu \(\max\{f(x) , g(x)\} \le h(x)\) sur \(A \setminus (Z \cup N)\) c'est-à-dire sur une sous-ensemble essentiel de \(A\). On en conclut que :
\[\max\{f,g\} \essinferieur h\]
11.2. Min
Supposons que \(f,g \esssuperieur h\). Les ensembles :
\( Z = \{ x \in A : f(x) \strictinferieur h(x)\} \)
\( N = \{ x \in A : g(x) \strictinferieur h(x)\} \)
sont de mesure nulle. Leur union est donc également de mesure nulle et on a bien entendu \(\min\{f(x) , g(x)\} \ge h(x)\) sur \(A \setminus (Z \cup N)\) c'est-à-dire sur une sous-ensemble essentiel de \(A\). On en conclut que :
\[\min\{f,g\} \esssuperieur h\]
12. Egalité
On dit que \(f\) est essentiellement égale à \(g\), et on le note :
\[f \essegal g\]
si et seulement si \(f \essinferieur g\) et \(f \esssuperieur g\). Les ensembles :
\( Z = \{ x \in A : f(x) \strictinferieur g(x)\} \)
\( N = \{ x \in A : f(x) \strictsuperieur g(x)\} \)
sont alors de mesure nulle. Donc, l'ensemble :
\[D = \{ x \in A : f(x) \ne g(x)\} = Z \cup N\]
est également de mesure nulle.